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Imprimer 04/11/2021 Civil

Obligation pour le juge de relever d'office le caractère abusif d'une clause

Le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose d'éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet.
Cass. civ. 2ème, 4 octobre 2021, n°19-11758

Appliquant la jurisprudence Pannon de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 4 juin 2009, aff. C-243/08, Pannon), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Civ. 2ème, 14 oct. 2021, n°19-11758) rappelle que le juge  est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose d'éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet.

 
En l'espèce, une personne adhère, en 2003, pour une durée de 10 ans minimum, un contrat collectif d'assurance sur la vie. Constatant une baisse du montant de la rente annuelle susceptible de lui être versée à compter du 1er janvier 2014 en application d’une table de mortalité « unisexe », en lieu et place de la table de rentre différenciée TGH05, l’assuré conteste cette modification. Il assigne l’assureur et le souscripteur devant le Tribunal de grande de Paris aux fins d’exécution de leurs engagements contractuels et, subsidiairement une indemnisation.

La Cour d’appel de Paris rejette la demande aux motifs que le contrat souscrit ne vise aucune table de mortalité et que l’assuré n’établit nullement que la clause intitulée « Transformation en rente » emporte l’obligation d’appliquer la table de rentre différenciée TGH05. L’application de la table de mortalité unisexe en vigueur au moment où l’assuré a demandé le calcul de la rente était donc selon les juges la parfaite application des dispositions contractuelles. 

 

La Cour de cassation censure ce raisonnement au visa de l’article L. 212-1 du Code de la consommation. Pour la Cour, il résulte des éléments de fait et de droit débattus devant la Cour d’appel, d’une part, que la clause litigieuse définissait l’objet principal du contrat, en ce qu’elle prévoyait les modalités de transformation en rente de l’épargne constituée par l’adhérent, d’autre part, qu’elle renvoyait, sans autre précision, au « tarif en vigueur ». Ainsi, il incombait aux juges du fond « d’examiner d’office la conformité de cette clause aux dispositions du Code de la consommation relatives aux clauses abusives en recherchant si elle était rédigée de façon claire et compréhensible et permettait à l’adhérent d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles les conséquences économiques et financières qui en découlaient pour lui et, dans le cas contraire, si elle n’avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du non professionnel ou du consommateur ».

 

Particulièrement protectrice à l’égard des consommateurs, cette décision rappelle le devoir des juges d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause dès que ces derniers disposent d’éléments factuels leur laissant supposer un tel caractère. Les juges restent néanmoins tenus d’appliquer le principe du contradictoire en informant les parties et en leur donnant la possibilité d’en débattre. Le consommateur, une fois avisé par le juge, dispose en outre de la possibilité de s’opposer à la suppression une clause considérée comme abusive (CJUE, 4 juin 2009, préc., point 33). C’est ce que rappelle opportunément la Cour de cassation : « lorsque (le juge) considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose ».