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Imprimer 21/12/2021 IP/IT- Données personnelles

Ordonnance n°2021-1658 du 15 décembre 2021 relative à la dévolution des droits de propriété intellectuelle sur les actifs obtenus par des auteurs de logiciels ou inventeurs non-salariés ni agents publics accueillis par une personne morale...

L’ordonnance du 15 décembre 2021 vient modifier et clarifier les règles relatives à la dévolution des droits patrimoniaux sur les logiciels et les inventions créées par des personnes physiques qui ne sont pas titulaires d’un contrat de travail ou bénéficiant du statut d’agents publics.

Cette ordonnance comble un vide juridique important, en particulier en ce qui concerne les stagiaires. On se souvient qu’en 2010, après de longues années de conflit, le Conseil d’État, avait reconnu comme propriétaire de son invention le stagiaire non rémunéré accueilli par le CNRS malgré un règlement contraire du laboratoire (CE, 22 févr. 2010, n°320319, CNRS c/ Puech ; v. égal. Cass. com. 25 avril 2006, n°04-19.482) Cette décision, bien qu’importante, n’avait pas mis fin aux incertitudes concernant les stagiaires rémunérés, et plus largement pour toutes les personnes ne pouvant bénéficier du statut de salarié ou d’agent public. 

Le Code de la propriété intellectuelle est désormais modifié afin d’harmoniser la dévolution des droits de propriété intellectuelle pour les créations réalisées des personnes physiques accueillies par des personnes morales de droit privé ou de droit public réalisant de la recherche sur le régime applicable aux salariés et aux agents publics.

Comme le souligne, le compte rendu du Conseil des Ministres du 15 décembre 2021, cette réforme constitue une avancée importante. Elle permet d’aligner le régime du traitement des personnels participant aux efforts de recherche et de renforcer la sécurité juridique des parties prenantes en clarifiant leurs droits. Cette ordonnance « permet également d’améliorer le transfert des résultats auxquels ces personnels ont contribué vers des entreprises exploitantes ».

Champ d’application de l’ordonnance

Ratione personae, la réforme s’adresse aux personnes physiques accueillies dans le cadre d’une convention par une personne morale de droit privé ou de droit public réalisant de la recherche et qui réalisent leurs missions ou d’après les instructions de la structure d’accueil. Les stagiaires sont directement visés, mais aussi les doctorants étrangers et professeurs ou directeurs émérites qui exercent des missions au sein et avec les moyens de l’entreprise d’accueil. 

Les personnes physiques concernées doivent se trouver à l’égard de la structure dans une situation où elles perçoivent une contrepartie financière et/ou matérielle et où elles sont placées sous l’autorité d’un responsable de ladite structure. Sont donc exclus toutes personnes travaillant à titre bénévole, les stagiaires non rémunérés ou les personnes qui bénéficient d’une  indépendance dans l’exercice de leur activité et qui ne sont pas « accueillies » par la personne morale de droit privé ou de droit public. Le contenu exact de ces notions devra sans doute être précisé par la jurisprudence.

Ratione materiae, l’ordonnance ne vise que les logiciels et leur documentation et les inventions brevetables. Ne sont pas concernées les autres créations relevant du droit d’auteur ou du droit des dessins et modèles.

Une dévolution des droits patrimoniaux alignée sur celle des salariés et des agents publics

L’ordonnance harmonise les règles de dévolution des droits portant sur logiciels et de leur documentation ainsi que sur les inventions brevetables.

Pour les logiciels et leur documentation créés par des personnes physiques dans l’exercice de leurs missions ou d’après les instructions de la structure d’accueil, les droits patrimoniaux portant sur ces créations sont directement dévolus à cette structure, seule habilitée à les exercer (nouvel article L. 113-9-1 du Code de la propriété intellectuelle). Aucune mention quant à une quelconque contrepartie financière n’est ici faite.

Pour les inventions brevetables, il est nécessaire de distinguer les inventions de mission et les inventions hors mission.

Les inventions de mission sont les inventions réalisées par les personnes dans l'exécution soit d'une convention comportant une mission inventive qui correspond à ses missions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées. Les inventions de missions appartiennent automatiquement à la personne morale réalisant de la recherche et qui accueillent l’inventeur. Celle-ci doit informer la personne physique auteur de l’invention de la demande de dépôt, et le cas échéant, lors de la délivrance du titre.

Les inventions hors mission appartiennent par principe à l’inventeur. Toutefois, doivent, là-encore, être distinguées, d’une part, les inventions hors mission attribuables et, d’autre part, les inventions hors mission non attribuables.

L’invention hors mission attribuable est celle réalisée par un inventeur soit dans l'exécution de ses missions et activités, soit dans le domaine des activités confiées par la structure d’accueil, soit par la connaissance ou l'utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à cette personne morale, ou de données procurées par celle-ci. En raison de lien unissant l’élaboration de l’invention et la structure d’accueil, l’ordonnance permet à celle-ci de se faire attribuer la propriété de l’invention ou sa jouissance contre le paiement d’un « juste prix ». L’invention hors mission non attribuable est quant à elle l’invention dépourvue de tout lien avec l’entreprise d’accueil. Les droits portant sur l’invention appartiennent à l’inventeur et l’entreprise ne peut exiger une quelconque attribution.

En toute hypothèse, l’inventeur l’obligation de déclarer les inventions qu’il réalise afin d’informer la personne morale et de lui permettre ainsi de déterminer les droits qu’elle considère détenir sur l’invention. L’un et l’autre doivent se communiquer tous renseignements utiles sur l’invention en cause et doivent s’abstenir de toute divulgation de nature à compromettre l’exercice des droits conférés par le brevet.

La possible saisie de la CNIS ou du tribunal judiciaire en cas de contestation.

L’ordonnance élargit aux personnes non-salariées ni agents publics accueillis par des personnes morales de droit privé ou de droit public réalisant de la recherche la possibilité de saisir la commission paritaire de conciliation des inventions de salariés (CNIS) pour lui soumettre tout litige portant sur le classement de l’invention ou la contrepartie financière au bénéfice de l’inventeur. Le tribunal judiciaire peut également être saisi en cas de désaccord. 

Il en est de même pour la dévolution des droits relatifs à un logiciel et à sa documentation. Les parties doivent se tourner vers le tribunal judiciaire du siège social de la structure d’accueil.

Un décret attendu

Pour les inventions un décret viendra préciser les conditions dans lesquelles la personne physique auteur d'une invention de mission bénéficie d'une contrepartie financière et dans lesquelles la personne morale réalisant de la recherche qui l'accueille peut se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l'invention. Ce décret est attendu avec impatience, car des incertitudes persistent sur les modalités de calcul de la rémunération supplémentaire ou du juste prix. C’est d’ailleurs autour de ces montants que risquent de se cristalliser les prochains litiges.