
LCB/FT (Monaco) - Propriété et contrôle dans l’identification des bénéficiaires effectifs (éléments clés) par Lucien MAURIN
L’identification des bénéficiaires effectifs est au cœur des obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB/FT). Deux critères complémentaires structurent cette démarche : la propriété, qui repose sur la détention directe ou indirecte du capital ou des droits de vote, et le contrôle, qui traduit l’influence réelle exercée sur une entité, indépendamment du capital détenu. Leur articulation garantit une vision complète des risques et empêche que des individus dissimulent leur identité derrière des montages complexes ou opaques.
La notion de bénéficiaire effectif vise à identifier la ou les personnes physiques qui, en dernier ressort, possèdent ou contrôlent une société ou une autre construction juridique. Cette identification est un impératif légal pour toutes les entités assujetties à Monaco, conformément à la loi n° 1.362 et à ses textes d’application. Deux critères complémentaires permettent de désigner le bénéficiaire effectif : la propriété et le contrôle. Leur combinaison permet de dépasser les apparences juridiques pour atteindre la réalité économique et décisionnelle.
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I. La propriété : critère objectif d’identification
A. Définition et portée du critère de propriété
La propriété correspond à la détention d’une fraction significative du capital social ou des droits de vote. Le seuil retenu est de 25 %, conformément aux standards internationaux (GAFI, directives européennes) et au droit monégasque. Toute personne physique détenant directement ou indirectement une telle participation doit être identifiée comme bénéficiaire effectif.
B. Propriété directe et indirecte
Propriété directe : lorsqu’une personne détient elle-même des parts ou actions dans la société. Par exemple, un associé à hauteur de 30 % est directement bénéficiaire effectif.
Propriété indirecte : lorsqu’une personne détient des participations via des sociétés intermédiaires. Dans ce cas, le calcul se fait en multipliant les pourcentages de participation successifs. Ainsi, une personne détenant 60 % d’une société B, laquelle détient 50 % d’une société A, est bénéficiaire effectif de la société A à hauteur de 30 %.
C. Participation cumulée et propriété fragmentée
Une personne peut cumuler des détentions directes et indirectes. Par exemple, 10 % détenus directement et 20 % indirectement donnent un total de 30 %.
Dans d’autres cas, la propriété est fragmentée : plusieurs personnes détiennent individuellement moins de 25 %, mais agissent de concert. Un groupe familial ou d’associés liés peut ainsi exercer collectivement le contrôle économique d’une entité, bien que chacun reste en deçà du seuil formel.
D. Limites de l’approche par la propriété
Si le critère de propriété offre un outil objectif, il peut s’avérer insuffisant. Des actionnaires minoritaires peuvent disposer de droits particuliers (pactes, conventions de vote) leur donnant un pouvoir décisif. De même, certains bénéficiaires véritables recourent à des prête-noms pour masquer leur détention. Ces limites justifient l’intégration du second critère, celui du contrôle.
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II. Le contrôle : critère qualitatif et complémentaire
A. Définition du contrôle effectif
Le contrôle correspond à la capacité d’une personne physique à imposer ses décisions stratégiques ou opérationnelles à une société ou à une construction juridique. Contrairement à la propriété, il n’exige pas la détention de capital, mais repose sur l’influence réelle.
B. Manifestations du contrôle
Contrôle par liens personnels ou familiaux : influence déterminante d’une personne sur des associés proches, qui lui délèguent implicitement leurs droits de vote.
Contrôle contractuel : pactes d’actionnaires, conventions de vote, clauses statutaires accordant un droit de veto ou de nomination des dirigeants.
Contrôle financier : bailleur de fonds ou créancier exerçant une influence décisive par ses conditions de financement.
Contrôle exécutif : lorsqu’aucun actionnaire ne franchit le seuil de 25 %, le dirigeant principal (gérant, administrateur délégué, directeur général) est retenu comme bénéficiaire effectif au titre de son pouvoir décisionnel.
Contrôle fiduciaire : dans les trusts et constructions similaires, le constituant, le trustee, le protecteur et parfois les bénéficiaires désignés exercent un contrôle suffisant pour être considérés comme bénéficiaires effectifs.
C. Distinction entre représentation et contrôle
Il importe de distinguer le mandataire, qui agit pour le compte d’une société, du véritable décideur, qui en oriente la stratégie. Le bénéficiaire effectif doit être recherché parmi ceux qui contrôlent réellement, et non parmi ceux qui se contentent de représenter.
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III. L’articulation entre propriété et contrôle
A. Complémentarité des deux critères
La propriété constitue le premier niveau d’analyse : toute personne dépassant le seuil de 25 % doit être identifiée.
Le contrôle permet de compléter l’analyse lorsque les montages rendent la propriété inopérante ou insuffisante pour révéler l’influence réelle.
Les deux critères se renforcent mutuellement : l’un est quantitatif, l’autre qualitatif.
B. Hiérarchie d’examen en pratique
Identifier les personnes physiques détenant directement ou indirectement ≥ 25 %.
Identifier les personnes physiques exerçant un contrôle par d’autres moyens (contrats, liens, fonctions).
À défaut, désigner le dirigeant principal comme bénéficiaire effectif.
C. Enjeux pratiques et risques de manquement
Une analyse limitée à la seule propriété expose au risque de ne pas détecter un contrôle occulte (pacte secret, prête-nom). À l’inverse, s’appuyer uniquement sur le contrôle pourrait conduire à ignorer des participations économiques significatives. Seule une articulation équilibrée permet d’assurer la conformité et de prévenir les tentatives de dissimulation.
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Conclusion
L’identification des bénéficiaires effectifs repose sur une double approche : la propriété, qui offre un critère objectif fondé sur la détention de capital, et le contrôle, qui met en lumière l’influence réelle, même sans participation au capital. Cette articulation répond à un impératif de réalisme : il s’agit de dépasser les apparences juridiques pour atteindre la substance économique et décisionnelle. En combinant ces deux critères, les entités assujetties disposent d’un cadre complet et robuste pour remplir leurs obligations et contribuer efficacement à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Lucien MAURIN
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