
DONNÉES PERSONNELLES - Le transfert de données personnelles hors de Monaco par Lucien MAURIN
Le transfert de données à caractère personnel vers l’étranger est encadré par la loi n° 1.565 du 3 décembre 2024 et l’Ordonnance Souveraine n° 11.327 du 10 juillet 2025. Le principe est que toute donnée transférée doit continuer à bénéficier du niveau de protection garanti en Principauté. Pour cela, la législation établit une hiérarchie : transferts vers des pays adéquats, recours à des garanties appropriées, usage limité de dérogations et, en dernier ressort, autorisation expresse de l’autorité de protection. Des régimes particuliers sont prévus pour les décisions étrangères et les transferts liés à la sécurité publique ou nationale.
Le principe directeur
L’article 96 de la loi dispose qu’un transfert hors de Monaco ne peut avoir lieu que s’il ne compromet pas le niveau de protection garanti par la législation. Cette exigence vaut également pour les transferts ultérieurs opérés par le destinataire. L’idée est que la protection accompagne la donnée au-delà des frontières.
Les transferts vers des pays ou organisations « adéquats »
Selon l’article 97 de la loi et l’article 66 de l’Ordonnance, les transferts sont libres lorsqu’ils s’effectuent vers :
un État membre de l’Union européenne (présumé adéquat),
un pays, territoire ou une organisation figurant sur la liste officielle arrêtée par le Gouvernement après avis de l’autorité de protection.
L’adéquation est appréciée au regard de critères précis : respect des droits fondamentaux, existence d’une législation protectrice, garanties effectives pour les personnes, autorités de contrôle indépendantes, engagements internationaux, décisions de la Commission européenne au titre du RGPD et évaluations d’organismes internationaux.
Les transferts reposant sur des garanties appropriées
En l’absence d’adéquation, l’article 98 de la loi autorise les transferts s’ils sont encadrés par des garanties suffisantes. Ces garanties peuvent prendre plusieurs formes :
clauses contractuelles types approuvées par l’autorité,
règles d’entreprises contraignantes (BCR),
mécanismes de certification approuvés,
codes de conduite approuvés,
engagement international exécutoire.
L’Ordonnance précise (art. 67 à 69) que ces instruments doivent être assortis d’engagements contraignants du destinataire. Les BCR, en particulier, doivent couvrir l’ensemble des principes de la loi : structure du groupe, finalités et destinataires des transferts, mesures de sécurité, droits des personnes, modalités de conservation et d’effacement, notification des violations et responsabilité assumée par l’entité monégasque.
Les dérogations prévues par la loi
Lorsque ni l’adéquation ni les garanties ne sont disponibles, l’article 99 de la loi autorise le transfert dans certaines situations :
consentement explicite de la personne concernée,
sauvegarde des intérêts vitaux,
motifs importants d’intérêt public,
exercice ou défense d’un droit en justice,
consultation d’un registre public,
exécution ou préparation d’un contrat avec la personne,
conclusion ou exécution d’un contrat dans l’intérêt de la personne avec un tiers.
L’article 99 § 3 ajoute une dérogation exceptionnelle : un transfert ponctuel, non répétitif, portant sur un nombre limité de personnes, peut être autorisé s’il répond à un intérêt légitime impérieux du responsable, à condition d’informer l’autorité et la personne concernée et de documenter l’opération.
L’autorisation individuelle de l’autorité de protection
L’article 100 de la loi et l’article 70 de l’Ordonnance prévoient que l’autorité peut, à titre exceptionnel, autoriser un transfert reposant sur des clauses contractuelles spécifiques ou des mesures particulières de protection. Elle doit statuer dans un délai de deux mois, renouvelable une fois, et son silence vaut refus.
Les décisions émanant d’autorités ou juridictions étrangères
Selon l’article 101 de la loi, un transfert ou une divulgation fondé sur une décision étrangère ne peut être reconnu à Monaco que s’il existe un accord international en vigueur entre la Principauté et l’État demandeur.
Les transferts dans le cadre pénal et de la sécurité publique
Les articles 95 et 101 de la loi, complétés par l’article 71 de l’Ordonnance, fixent un régime spécifique. Le transfert vers un pays non adéquat peut être opéré si un instrument international exécutoire prévoit des garanties, ou si l’examen des circonstances établit leur existence.
À défaut, des transferts restent possibles s’ils sont nécessaires à la sauvegarde des intérêts vitaux, à la protection des intérêts légitimes de la personne, à la prévention d’une menace grave et immédiate pour la sécurité publique, à la préservation des intérêts fondamentaux de l’État ou à l’exercice d’un droit en justice. Les transferts relatifs à la sécurité nationale suivent, quant à eux, les conditions particulières de l’article 76 de la loi.
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Conclusion
Le droit monégasque organise les transferts internationaux de données personnelles selon une logique de hiérarchie : priorité aux pays jugés adéquats, possibilité de recourir à des garanties contractuelles ou organisationnelles, recours limité aux dérogations, et, en dernier ressort, autorisation expresse de l’autorité. Les décisions étrangères et les transferts liés à la sécurité font l’objet de règles spécifiques. Ce dispositif traduit un équilibre entre la nécessité de la circulation internationale des données et la volonté d’assurer une protection constante des droits fondamentaux des personnes concernées.
Lucien MAURIN
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